Roméo Matsas est Senior Policy Advisor chez Plan Belgique depuis 2016. Plan est un des membres fondateurs de notre plateforme. Depuis 2016 Roméo est responsable du Groupe Projet BI/MULTI, entretemps devenu GP Plaidoyer, et il est membre du Comité de Pilotage depuis 2018.

En ce début d’année 2022, Plan international Belgique et donc Roméo ont décidé de se retirer du Comité de Pilotage pour laisser l’opportunité à d’autres ONG de s’impliquer et pour se consacrer davantage à d’autres objectifs. Une page qui se tourne et pour nous le moment idéal pour un échange.  

Comment tu as vu évoluer Educaid.be depuis ton arrivée ?

Educaid.be est une plateforme qui est en continue progression et qui est unique par la richesse de la diversité de ses membres. J’ai constaté une consolidation surtout au niveau du partage de l’expertise dans les groupes projet et une forte augmentation de la visibilité extérieure. Educaid.be est devenu un interlocuteur de confiance dans le secteur de l’éducation dans la coopération internationale tant vis-à-vis des autres acteurs du secteur que des responsables politiques. En 2017, le Ministre de la coopération de l’époque M. Alexander De Croo est venu prononcer le discours de clôture de notre conférence avec la Présidente du Global Partnership for Education, Mme Julia Gillard. En 2019, à l’occasion des élections, des représentants de plusieurs partis sont venus à notre réunion annuelle présenter leurs priorités pour le secteur. Aujourd’hui, la plateforme a une excellente collaboration avec Madame la Ministre Meryame Kitir, qui a explicitement mentionné Educaid.be dans sa note de politique générale.

Est-ce que cette relation étroite avec le cabinet en tant qu’interlocuteur et soutien en éducation ne pose pas un problème pour faire valoriser certaines demandes ou critiques à l’adresse de la Ministre ?

Educaid.be Ledenvergadering 2020

Non, je ne pense pas. En tout cas, la situation ne s’est jamais présentée. En général, l’approche que nous suivons est celle de partenaires constructifs. La présence d’acteurs comme Enabel ou la DGD au sein d'Educaid.be renforce la qualité de nos travaux et n'a jamais empêché la plateforme d’appuyer des demandes qui viennent d’un mouvement comme la Campagne Mondiale pour l’Education (CME) ou des recommandations qui n’iraient pas dans le sens de la politique.

Educaid.be est membre de la CME/GCE et est son représentant en Belgique. Cela nous insère dans un mouvement mondial porté par des centaines de collègues sur différents continents. Educaid.be a tout à gagner de renforcer son implication avec d’autres plateformes pour l’éducation. Elle n’agit pas seule.  Plus généralement, Educaid.be a un rôle à jouer dans ces relations internationales. Nous ne sommes pas encore assez visibles et n’avons pas encore assez exploité ce volet. Les membres d’Educaid.be font par exemple souvent partie de panels lors de conférences internationales, mais Educaid.be ne reçoit pas de demandes pour mettre en avant son identité propre en tant que plateforme.  

Tu peux donner un exemple ?

Oui évidemment. Maintenant, quand lors d’une conférence nous faisons appel à une expertise ou une étude, c’est une telle ou telle organisation membre qui l’a réalisée. Educaid.be peut aussi en tant que coalition réaliser une étude sur tel ou tel thème qui répond aux besoins de tout le secteur de l’éducation dans la coopération au développement. Cela demande du travail et des budgets mais c’est faisable. On peut aussi imaginer que les résultats de cette étude soient présentés lors d’une prochaine conférence.

Quel est selon toi l’impact de la crise sanitaire sur le secteur ?

La crise COVID-19 aura un impact fondamental sur le secteur de l’enseignement et sur l’ensemble des acteurs de l’école. Elle l’a déjà. Il y a un impact sur l’apprentissage des élèves, sur leur santé mentale, sur la continuité de leur scolarité ... mais aussi sur les parents, sur les conditions de travail du personnel enseignant et ou encore sur les budgets mis à disposition de ce secteur. Je suis souvent admiratif de voir comment jusqu’à présent le secteur en tant qu’institution a résisté à ce choc d’une ampleur jamais vue. Au niveau individuel, par contre, les dégâts sont parfois dramatiques. Je pense par exemple à la déscolarisation forcée de filles adolescentes suite aux fermetures d’écoles dans certains de nos pays partenaires.

Personne n’était préparé à un tel phénomène. Pourtant il est intéressant de voir que nous avons pu utiliser chez nous des connaissances et de l’expertise venant de pays partenaires lors de la fermeture d’école en début de la pandémie.

Plus généralement, nous devons être vigilants dans les années à venir aux impacts que la pandémie aura sur le repli sur soi et éviter toute forme de polarisation. Là aussi l’éducation joue un rôle important car c’est via les écoles que nous pouvons transmettre des valeurs telles que la promotion de la paix, de la solidarité internationale, des droits fondamentaux, etc.   

" Il est intéressant de voir que nous avons pu utiliser chez nous des connaissances et de l’expertise venant de pays partenaires lors de la fermeture d’école en début de la pandémie."

Roméo Matsas, Plan International Belgium

Quels sont les enjeux pour Educaid.be ?

Il y a une telle expertise au sein d’Educaid.be, des acteurs qui opèrent tous sur des terrains différents mais qui se retrouvent autour d’un même objectif : réaliser l’ODD4. Bien sûr il y a le prochain PPA pour Educaid.be et ses membres, mais si l’horizon est 2026, notre boussole doit être ‘2030’. Tout ce que nous faisons et entreprenons est en lien avec l’ODD 4 pour 2030. Un enseignement inclusif de qualité pour chaque jeune.

Un autre enjeu selon moi se situe au niveau de la composition de la plateforme. Je me souviens quand Educaid.be s’est ouvert à d’autres acteurs tels qu’Actiris ou le FOREM. C’était génial d’avoir pu mobiliser ces acteurs. Maintenant la plateforme est suffisamment stable pour s’ouvrir à des organisations de jeunes et des syndicats. Il est grand temps de faire entendre la voix des jeunes dans nos travaux.

"Il est grand temps de faire entendre la voix des jeunes dans nos travaux."

 

Quel est ton rêve le plus fou ?

Mon rêve le plus fou ? Que les enfants et les jeunes avec lesquels nous travaillons (je n’aime pas utiliser le mot 'bénéficiaires'), puissent développer leur plein potentiel. Ça peut vouloir dire plusieurs choses: gagner un prix Nobel de chimie ou physique, contribuer à des innovations, créer de nouveaux savoirs ou des œuvres culturelles, exceller ou plus généralement s’épanouir dans la vie. Chaque jeune doit pouvoir profiter des opportunités qui se profilent à l’horizon. Nous devons être ambitieux.

Pour cela, il ne faut jamais cesser de croire que c’est possible. Parfois quand nous travaillons en Belgique, que nous nous réunissons dans nos bureaux, nous pouvons penser que toutes ces réunions, conférences et échanges ne servent peut être pas à grand-chose, mais ce sont de petites graines que nous plantons qui feront un jour la différence pour les jeunes avec qui nous travaillons.

C’est beau ce que tu dis. Educaid.be créateur de prix Nobel ! Pas un peu fou ?

Pas nécessairement. Notre secteur, en Belgique et dans les pays partenaires, connaît énormément de personnes motivées qui croient en ce qu’elles font. Chacun y contribue à sa façon. Moi par le plaidoyer, une petite ONG au Cambodge par l‘installation d’une connexion haut débit. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Au fond, l’éducation a un côté magique. On ne sait jamais ce qu’on va récolter à la fin. Mais les enseignants et les formateurs sont capables de beaucoup de choses. On a tous un prof en tête à qui on pense particulièrement. Qui nous a marqué. Prenons l’exemple d’Albert Camus. Sans son professeur de français qui avait remarqué son talent et poussé la maman du petit Albert à continuer sa scolarité après la primaire. Sans ce prof, nous n’aurions jamais connu La Peste, l’Etranger, et j’en passe….  Il faut s’en rendre compte !  

Est-ce que nous te reverrons à nos activités ?

Oui bien sûr. Je vous rassure. Je reste un défenseur convaincu du droit à l’éducation et Plan International Belgique reste active dans le secteur et membre d’Educaid.be. Dans un premier temps je continue à participer au GP Plaidoyer et nous continuons à soutenir les efforts de la plateforme. Nous laissons juste la place à une autre ONG dans le comité de pilotage.

Merci pour cette interview Roméo et merci pour tout ce que tu as réalisé au sein d’Educaid.be. C’était un réel plaisir de travailler avec toi. Bonne continuation !
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